La dématérialisation des registres de mouvements de titres : principes et validité
Le secteur de la gestion des titres se transforme rapidement, avec une transition des registres papier traditionnels vers des solutions numériques offrant un niveau de sécurité renforcé. Cet article se penche sur l’obligation légale pour les sociétés par actions non cotées de tenir un registre de mouvements de titres (RMT) et sur l’essor du dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP), en intégrant des technologies avancées comme la blockchain.
1. Obligation légale et rôle du RMT
1.1. Contexte juridique
En vertu de l’Article L. 228-1 du Code de commerce, toutes les sociétés par actions non cotées doivent tenir un registre de mouvements de titres.
Ce document officiel a pour but de retracer de manière exhaustive et chronologique l’ensemble des opérations affectant les titres d’une société.
La rigueur de cette obligation vise à garantir la transparence des mouvements et à protéger les intérêts des actionnaires.
1.2. Informations à consigner
Pour chaque mouvement, le RMT doit contenir des informations précises, notamment :
- La date de l’opération : permettant de situer dans le temps l’événement.
- Le numéro d’ordre : assurant le suivi chronologique et l’authenticité de chaque entrée.
- Les identifiants des parties concernées : noms et numéros de comptes du débiteur et du créditeur, garantissant la traçabilité.
- Le nombre de titres concernés : indiquant l’ampleur de l’opération.
- La nature du mouvement : qu’il s’agisse d’émission, de cession, ou de toute autre opération affectant le capital.
- Les observations complémentaires : pour apporter des précisions ou justifications sur le mouvement.
En complément, des comptes d’actionnaires sont associés au registre. Ces derniers permettent à chaque investisseur de consulter en lecture seule le solde actuel et l’historique complet des mouvements liés à leurs titres.
2. Des supports traditionnels aux solutions numériques
2.1. La méthode traditionnelle
Autrefois, le registre de mouvements de titres était tenu sous forme de classeurs physiques. Chaque page était soigneusement numérotée, cotée et paraphée par les Greffes des tribunaux de commerce.
Bien que ce procédé garantissait une certaine forme de sécurité et d’authenticité, il présentait plusieurs inconvénients majeurs :
- Vulnérabilité aux détériorations : l’usure, les intempéries ou même des incidents accidentels pouvaient altérer ou détruire les documents.
- Risque de perte : un incident ou une mauvaise gestion pouvait entraîner la disparition de l’ensemble des données.
- Procédure chronophage : le remplissage manuel de chaque enregistrement demandait un investissement en temps non négligeable.
- Mises à jour difficiles : toute modification nécessitait une réécriture ou une annotation manuelle, augmentant les risques d’erreurs.
2.2. Transition vers la dématérialisation
Face à ces limites, le droit des sociétés a évolué pour intégrer l’ère numérique.
La dématérialisation offre non seulement une meilleure sécurité et une traçabilité accrue, mais aussi une simplification des processus de gestion.
L’introduction du dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP) marque une étape clé de cette modernisation.
3. Le dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP)
3.1. Origine et cadre légal
L’ordonnance n°2017-1674 du 8 décembre 2017 a ouvert la voie à l’utilisation du DEEP dans le droit français.
Ce dispositif permet d’enregistrer les mouvements de titres de manière électronique, répondant ainsi aux exigences de transparence et d’intégrité.
Par la suite, le décret n°2018-1226 du 24 décembre 2018 a précisé l’application du DEEP aux registres de mouvements de titres, offrant une alternative moderne aux supports papier.
3.2. Caractéristiques du DEEP
Selon l’Article R211-9-7 du Code monétaire et financier, le DEEP doit :
- Garantir l’enregistrement fiable et l’intégrité des inscriptions : chaque opération doit être consignée de manière inaltérable.
- Permettre l’identification des propriétaires : qu’elle soit directe ou indirecte, l’information sur l’identité des titulaires, la nature et le nombre de titres détenus doit être accessible.
- Assurer une continuité d’activité : un plan de sauvegarde et de conservation périodique des données doit être mis en place, notamment par le biais de dispositifs externes de conservation.
3.3. Application pratique aux registres de mouvements de titres
L’Article R228-8 du Code de commerce précise que les registres de titres nominatifs peuvent être tenus sur support papier ou, de manière plus efficace, sur tout support durable, tel qu’un système dématérialisé reposant sur le DEEP.
Ce mode d’enregistrement permet également la constitution de fichiers alphabétiques, qui recoupent les informations essentielles sur les titulaires.
Toutefois, ces fichiers restent complémentaires et ne sauraient se substituer aux registres officiels.
4. La technologie blockchain au service du DEEP
4.1. Qu’est-ce que la blockchain ?
La blockchain, ou « chaîne de blocs », est une technologie de stockage et de transmission d’informations qui se caractérise par sa transparence, sa sécurité et son absence d’autorité centrale.
Cette technologie permet d’échanger et de sécuriser des données via un réseau décentralisé, éliminant ainsi le besoin d’un intermédiaire pour valider les transactions.
4.2. Avantages de la blockchain pour l’intégrité des données
L’utilisation de la blockchain dans le cadre du DEEP apporte plusieurs bénéfices :
- Immutabilité : une fois une transaction enregistrée sur la blockchain, il devient impossible de la modifier, garantissant ainsi l’intégrité des données.
- Transparence vérifiable : bien que la blockchain soit publique, le recours à des techniques de chiffrement permet de protéger les données sensibles tout en rendant les enregistrements vérifiables.
- Sécurité renforcée : grâce à des algorithmes de cryptographie comme le sha-256, les informations sont condensées en « hash », ce qui crée un identifiant unique pour chaque enregistrement. Ce processus est irréversible : il est possible de vérifier la correspondance entre les données et le hash, mais impossible de revenir en arrière pour extraire les données originales.
4.3. Choix du terme DEEP plutôt que « blockchain »
Le rapport de la Direction Générale du Trésor au Président de la République souligne que le terme DEEP a été privilégié pour des raisons de prudence et de flexibilité.
En effet, en ne se limitant pas à la seule technologie blockchain, le cadre légal reste ouvert aux évolutions futures qui pourraient introduire de nouvelles méthodes ou protocoles de sécurisation des données.
5. La solution Alex : une application concrète du DEEP
5.1. Fonctionnalités et enregistrement des mouvements
Chez Alex, la tenue des registres de mouvements de titres s’effectue via une solution entièrement dématérialisée. Chaque mouvement est enregistré dans une base de données structurée avec les informations suivantes :
- Date et numéro d’ordre : permettant une traçabilité parfaite.
- Identifiants des parties : noms et numéros de comptes pour le débiteur et le créditeur.
- Nombre et nature des titres : pour une gestion précise des opérations.
- Observations spécifiques : pour toute information complémentaire pertinente.
Cette approche permet de respecter à la fois l’Article L. 228-1 du Code de commerce et l’Article R. 211-9-7 du Code monétaire et financier, garantissant ainsi la conformité réglementaire.
5.2. Infrastructure technique
La solution d’Alex repose sur une infrastructure cloud robuste et sécurisée :
- Google Cloud Platform (GCP) : l’hébergement se fait sur des serveurs situés au sein de l’Union Européenne, assurant ainsi la conformité avec les régulations européennes.
- Sauvegardes multiples : la base de données bénéficie de trois copies de sauvegarde réparties dans différents centres de stockage (Belgique, Pays-Bas et Finlande), ainsi que d’une duplication quotidienne via un data warehouse basé sur Snowflake, hébergé par AWS à Paris.
- Sécurité et continuité : ces mesures garantissent une haute disponibilité et une résilience optimale en cas de défaillance technique.
5.3. Intégration de la blockchain pour l’intégrité des enregistrements
Pour garantir que les enregistrements ne puissent être altérés ultérieurement, Alex intègre la technologie blockchain :
- Création de hash avec sha-256 : chaque transaction est condensée en un hash unique, qui est ensuite enregistré sur la blockchain.
- Vérification en temps réel : à tout moment, il est possible de recalculer le hash à partir des données stockées et de le comparer avec celui inscrit dans la blockchain, assurant ainsi l’authenticité de l’enregistrement.
- Sécurité décentralisée : en utilisant la blockchain, Alex s’appuie sur un réseau décentralisé qui empêche toute manipulation frauduleuse, même en cas d’attaque sur une partie du système.
5.4. Choix de la blockchain Avalanche
La solution Alex utilise la blockchain Avalanche, qui présente plusieurs atouts :
- Rapidité : les transactions sont traitées très rapidement, ce qui est essentiel pour une solution en temps réel.
- Coûts réduits : les frais de transaction sont faibles, ce qui permet une gestion économique même pour un volume important d’opérations.
- Sécurité et décentralisation : un nombre conséquent de nœuds validateurs garantit que les enregistrements ne peuvent être modifiés par un acteur malveillant.
- Compatibilité EVM : avalanche est compatible avec l’Ethereum Virtual Machine (EVM), ce qui ouvre la possibilité d’utiliser des smart contracts similaires à ceux d’Ethereum, tout en évitant ses limitations de coût et de performance.
La transformation numérique des registres de mouvements de titres représente une avancée majeure pour la transparence et la sécurité dans la gestion des sociétés par actions non cotées.
Grâce à l’évolution législative, la dématérialisation via le DEEP et l’intégration de technologies telles que la blockchain, les entreprises bénéficient d’un système robuste, sécurisé et résilient.
La solution proposée par Alex illustre cette transition en combinant une infrastructure cloud performante avec une approche innovante de sécurisation des données.
Cette modernisation ouvre la voie à une gestion plus fluide et fiable, tout en anticipant les évolutions technologiques futures.